Article N° 8200
Bon usage des médicaments
Bon usage des médicaments : et si le pharmacien devenait le maillon fort ?
Abderrahim Derraji - 06 octobre 2025 08:22Le bon usage, qui était considéré comme un simple enjeu de santé publique, est devenu aujourd’hui une priorité économique, environnementale et sociétale. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme : les dépenses de remboursement des produits de santé ont atteint, en France, 36 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 12 % par rapport à 2019. Derrière ces chiffres se cachent des gaspillages massifs, des émissions de CO2 évitables et une fragilisation du système de santé. Mais au-delà du constat, la Cour des comptes rappelle le rôle essentiel que peut jouer le pharmacien d’officine pour éviter certaines dérives et promouvoir le bon usage des médicaments.
Le rapport de la Cour des comptes estime qu’entre 561 millions et 1,7 milliard d’euros de médicaments seraient «jetés» chaque année. L’achat de produits de santé représenterait, à lui seul, la moitié des émissions carbone du système de santé français. Ces chiffres nous interpellent sur la responsabilité collective des prescripteurs, des pharmaciens et des patients. Les auteurs du rapport déplorent le manque de données fiables, l’absence de traçabilité des médicaments non utilisés et l’interopérabilité encore défaillante entre les systèmes d’information. Le dossier médical partagé (DMP), qui constitue un élément clé pour une meilleure coordination des soins, reste très peu utilisé.
Dans ce contexte, le pharmacien d’officine s’impose comme un acteur clés du bon usage. Par son contact quotidien avec les patients, il est en mesure d’influencer directement leurs comportements. Sur le plan économique, la substitution par des génériques ou des biosimilaires permet de réduire les dépenses publiques tout en maintenant la qualité des soins. Sur le plan médical, il participe activement à améliorer l’observance aux traitements et à la lutte contre l’antibiorésistance grâce aux tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), qui évitent la prescription inutile d’antibiotiques. Sur le plan écologique, il contribue à la réduction du gaspillage médicamenteux par la collecte via Cyclamed et la sensibilisation à une consommation raisonnée.
Le rapport de la Cour des comptes préconise de renforcer les outils d’accompagnement, comme la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), et d’intégrer davantage le pharmacien dans les stratégies de prévention et de suivi thérapeutique. Ce dernier doit être considéré comme un véritable acteur de santé publique, un éducateur et un «écogestionnaire» du médicament.
In fine, le bon usage des produits de santé ne se décrète pas : il se construit dans le dialogue quotidien entre le pharmacien et le patient. Toute nation qui souhaite concilier santé, économie et écologie doit miser davantage sur son réseau officinal, un réseau souvent sous-estimé et économiquement fragilisé, mais indispensable à l’équilibre de tout système de santé.
Source :
Mots-clés : bon usage – Cour des comptes – génériques – TROD – antibiorésistance – Cyclamed – ROSP – durabilité – officine
Extrait du rapport de la Cour des comptes
« Une intensification possible du rôle des pharmaciens Le rôle des pharmaciens d’officine est essentiel pour favoriser le bon usage des produits de santé . Leurs actions peuvent avoir un impact réel, tant sur le choix des produits dispensés que sur leur volume. Les pharmaciens d’officines peuvent ainsi contribuer à réduire les dépenses de l’assurance maladie en substituant, lors de la dispensation, un médicament générique à un médicament de référence plus onéreux. Cette faculté est progressivement étendue aux médicaments biosimilaires .Ces pharmaciens jouent également un rôle décisif dans la lutte contre l’antibiorésistance . Ils réalisent en effet de plus en plus de tests pour déterminer notamment si une angine est d’origine virale ou bactérienne, afin d’éviter la prescription systématique d’un antibiotique.
Même si leur nombre augmente tous les ans, atteignant 370 000 en octobre 2024, ces tests pourraient être réalisés beaucoup plus fréquemment, au regard des neuf millions d’angines répertoriées chaque année . Ces actions doivent être intensifiées, notamment pour inciter les patients à se rendre directement chez leurs pharmaciens
Source : PharmaNEWS